La lettre de l'ANRT


Au sommaire de la lettre n°33 | septembre/octobre 2023

- Editorial -

Transition énergétique, sur quelles technologies miser ? Revue de détail

Clarisse Angelier

La transition énergétique est dans tous les discours, sous-tend les politiques industrielles et géostratégiques de toutes les nations. L'humanité est lancée dans une course contre la montre face à un dérèglement climatique dont les conséquences ne sont plus une hypothèse.

Le 20 septembre le groupe de travail1 de l'ANRT dédié à la stratégie nationale pour la recherche énergétique a présenté son analyse des potentielles ruptures technologiques relatives à 14 filières de production ou de consommation d'énergie. Pour chaque technologie, le groupe convient que la France a, ou pas, les moyens de miser. Miser sur certaines technologies voulant dire qu'on saura investir en matière de R&D et d'industrialisation, que les infrastructures suivront et que le positionnement des concurrents internationaux, aujourd'hui et probablement demain, laisse une marge de manœuvre réaliste.

Si pour le photovoltaïque la prédominance chinoise, en termes techniques comme économiques, condamne la France à l'importation cela vaut la peine de poursuivre la R&D sur les cellules en couches minces, à condition qu'elles soient durables et à haut rendement, et sur le solaire thermique.

L'éolien flottant constitue là un atout pour la France qui détient un certain savoir faire et des entreprises aguerries, notamment pour les flotteurs et les ancrages. Attention cependant à ce que la réglementation ne soit pas un frein aux développements potentiels.

Les productions nucléaire et hydroélectrique d'électricité sont les deux seules technologies bas-carbone qui permettent une délivrance continue et pilotable selon la demande. En matière de nucléaire, la capacité à produire de grands réacteurs doit rester la priorité. Cela passe notamment par une volonté politique sans faille et la reconstitution des compétences métiers.  Quant aux Small Modular Reactors (SMR) l'Europe est en retard, mais la France pourrait jouer un rôle de leader.

L'électricité issue du traitement des biomasses ou de déchets ne s'entend que si le niveau de rendement énergétique et les conflits d'usages (nourriture versus considérations environnementales) sont réglés.  Les carburants bas-carbone ont un faible rendement énergétique, et leur production est coûteuse, mais de grandes entreprises françaises sont impliquées dans le développement des biocarburants et des e-fuels. On attend donc les biocarburants de 2° et 3° génération et les gaz synthétiques (méthanation, par exemple) et le déploiement des infrastructures de distribution.

Quant à l'hydrogène l'enjeu est une production à bas coût. Les positions technologiques de l'Europe sont favorables. Plusieurs pays, y compris la France, détiendraient des ressources d'hydrogène naturel dont le potentiel économique pourra être démontré par le déploiement de pilotes.

Pour nos véhicules légers, les batteries représentent un enjeu déterminant. Si l'Asie domine le marché, la France a des atouts pour les moteurs électriques et en électronique. La priorité est la mise en service de gigafactories de batteries lithium-ion et la R&D pour améliorer cette technologie.

Le stockage de CO2 est inévitable pour atteindre l'objectif climatique. De grands industriels et des centres de recherche français sont à l'avant-garde des travaux de R&D. L'enjeu est d'en réduire le coût et d'augmenter toutes les formes de puits de carbone.

La France a des atouts mais doit définir ses positions et l'affectation des investissements pour relever le double défi de contribuer à l'effort mondial et de gagner en compétitivité. Sa stratégie doit s'appuyer sur une bonne maitrise des game changers réels sur lesquels elle peut miser résolument.


1 Sous la présidence d'Olivier Appert, membre de l'Académie des technologies
Richard Lavergne, co-président
Denis Randet, co-président
Félix Eléfant, rapporteur



- L'entretien -

La France ne peut pas perdre la course internationale au doctorat

Propos recueillis par Matteo Tonelli

Entretien avec Jean-Luc Beylat, Directeur Stratégie et Technologie chez Nokia Networks France, Président du pôle Systematic, de l'Association des pôles de compétitivité, de l'Association Bernard Grégory et trésorier de l'ANRT.

L'ANRT fête cette année ses 70 ans et vous venez d'en être nommé trésorier. Quelle est votre vision pour notre association pour les dix prochaines années ?   

Jean-Luc Beylat :  Je pense que l'ANRT va jouer un rôle clé dans la prochaine décennie et ce pour deux raisons majeures. La première est que nous vivons une époque de transitions scientifiques et technologiques majeures qui nous obligent à changer nos modèles. Dans ce cadre, l'ANRT joue un rôle très important en France dans l'interaction entre les acteurs publics et les acteurs privés. Comme elle l'a déjà fait dans le passé, elle devra continuer à être au cœur de cette réflexion et animer des discussions sans barrière sur des sujets stratégiques tels que les enjeux d'énergie, de climat ou encore de souveraineté. La deuxième raison est plus opérationnelle et concerne la mission de l'ANRT vis-à-vis du dispositif Cifre :  partout dans le monde, et particulièrement en France, il y a des vrais enjeux de compétences. C'est pour cela que l'on doit réintensifier la politique du doctorat et favoriser les interactions public-privé. J'espère donc que dans les dix ans qui viennent on verra doubler ou tripler le nombre de "docteurs en Cifre". Un bon programme pour l'ANRT ce sera donc de poursuivre son développement sur ces deux fronts : une interaction forte dans l'écosystème de R&I en France et une croissance du nombre des docteurs accompagnés par le dispositif Cifre. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'ai accepté d'en devenir le trésorier.

Vous avez été l'un des premiers "docteurs Cifre", avec une thèse en physique. Quel rôle a joué le doctorat dans votre carrière ?   

JLB : Le doctorat a été vraiment un élément structurant dans mon développement de carrière.  A la suite de mes études à l'Université Pierre et Marie Curie1, je souhaitais faire des recherches qui soient appliquées et qui aient un impact économique et sociétal. J'ai eu, en effet, la chance de faire partie de premières thèses Cifre et d'être recruté au centre de recherche de la CGE2 qui ensuite est devenue Alcatel et aujourd'hui Nokia. Mon doctorat portait sur les lasers semi-conducteurs, qui à l'époque étaient encore au stade de la recherche et qui aujourd'hui sont les composants d'émission pour connecter les fibres optiques, soit l'une des briques essentielles pour le déploiement d'Internet. Quelques années plus tard, à la suite de la fusion entre Alcatel et Lucent, la nouvelle organisation m'a confié la mission de restructurer les Bells Labs en France, un rôle que j'aurais difficilement pu endosser sans le crédit du doctorat. En effet, aux Bell Labs, tous les chercheurs sont des docteurs. Ensuite, comme on a beaucoup travaillé sur les écosystèmes et sur les interactions public-privé, je me suis impliqué dans le pôle Systematic3, dont je suis devenu le président. Enfin, plus récemment, j'ai accepté de devenir président de l'ABG4, une magnifique association qui a pour vocation de développer les carrières des docteurs dans le milieu académique et dans les entreprises. Enfin, il est certain que dans mon parcours professionnel il y a tout un tas de choses que je n'aurais probablement pas eu la chance de faire sans doctorat.

Pour quelles raisons conseilleriez-vous à un jeune étudiant de faire un doctorat aujourd'hui ? Et pourquoi une entreprise devrait ensuite l'embaucher ?  

JLB :  Je rappelle d'abord que le doctorat est le diplôme universitaire le plus élevé et le référent international. Qu'on aille en Chine, aux États-Unis, en Israël, quel que soit l'endroit du globe ou l'entreprise, le doctorat est vraiment une référence clé. En France nous avons historiquement un système un peu différent, mais à l'échelle du monde, chez les géants de la Silicon Valley par exemple, les comités exécutifs sont composés en grande partie de docteurs. Car le chemin qui est réalisé au cours du doctorat est extrêmement formateur : on apprend à approfondir et à se battre avec son sujet, à savoir le présenter, à faire des erreurs, à motiver, etc. Ce sont des compétences qui ne peuvent pas s'apprendre en quelques mois. Et dans une société où les transformations technologiques sont extrêmement profondes et rapides, les entreprises ont besoin de personnes qui savent maîtriser leur domaine technologique, mais avoir aussi une vision d'ensemble. C'est le pourquoi de la course internationale à la formation doctorale qu'on observe aujourd'hui. Il suffit de regarder les chiffres : en Chine, en Inde, aux États-Unis, il y a une croissance importante du nombre de docteurs, car c'est une réponse clé aux enjeux stratégiques de développement technologique et économique. La formation des docteurs fait donc partie des enjeux de souveraineté des différents Etats. Le fait qu'en France le nombre de doctorants stagne est un risque pour notre compétitivité. C'est pour ça que nous avons besoin d'un grand plan national pour le doctorat dont on parlera au colloque de l'ANRT du 17 novembre. La France ne peut pas se permettre de perdre la course du doctorat.

Qu'est-ce qui motive les jeunes docteurs à rejoindre les Nokia Bell Labs ? Quels sont les sujets et les défis technologiques qui font briller les yeux de vos chercheurs ?   

JLB :  On vit dans une époque passionnante, puisqu'en fait on a, d'une part, le besoin pressant d'utiliser encore plus les infrastructures numériques pour développer les industries et les services de demain. La manière dont on bougera, la manière dont on sera connecté dans la ville, les services de santé, en bref tous les métiers seront impactés par le développement de l'infrastructure digitale, qui est le cœur de métier de Nokia. D'autre part, comme l'a très bien articulé l'Académie des Technologies, notre premier enjeu par rapport au climat, c'est la sobriété. Il nous faudra faire mieux avec moins et mieux utiliser les ressources, pas simplement les ressources énergétiques, mais aussi l'eau, les matériaux, etc. Par conséquent, dans un environnement où l'optimisation des ressources est clé, il faut qu'on ait un système intelligent qui mesure, qui optimise et qui apporte des solutions, d'où le rôle majeur de l'infrastructure digitale. Ce qui anime les jeunes chercheurs aux Nokia Bell Labs c'est la qualité de la science qui est menée et la grande diversité de sujets sur lesquels on travaille :  je peux citer l'intelligence artificielle, mais aussi la fusion entre la photonique et le monde du silicium, qui va ouvrir de nouvelles fonctionnalités, ou encore la fusion entre le monde physique et le monde digital, qui nous rendra possible, par exemple, d'optimiser en temps réel le monde physique à partir de jumeaux numériques. Cela peut paraître de la science-fiction, mais en fait c'est une révolution qui est juste devant nous et pas dans trente ans.  Donc, nous recrutons des chercheurs de haut niveau qui sont motivés à la fois par l'objet de leur recherche et par la volonté d'avoir un impact au sein de l'entreprise et pour la société au sens large.

En 2013 vous avez été co-auteur, avec Pierre Tambourin, d'un rapport qui a fait date sur l'innovation en France. Quel est votre bilan de ce travail à 10 ans de distance ?

JLB :  Je suis très fier de ce rapport qu'on appelle Beylat-Tambourin5, mais qui en fait a été le travail d'une commission avec une trentaine d'experts et beaucoup de contributions de haut niveau. A l'époque, quand nous avons été sollicités pour ce rapport par Monsieur Montebourg, Madame Pellerin et Madame Fioraso, on sentait que l'enjeu de l'innovation était très important, mais aussi qu'il était nécessaire de structurer la France au regard de l'innovation. Dans ce sens, beaucoup de chemin a été parcouru en dix ans et beaucoup de préconisations qui avaient été faites dans ce rapport se sont matérialisées aujourd'hui. Par exemple on retrouve certains éléments dans la French Tech, qui n'existait pas à l'époque, ou dans le rôle qu'a pris la BPI pour ce qui concerne le financement de l'innovation, ou encore dans l'incitation aux jeunes à se tourner vers l'entrepreneuriat. On dit souvent qu'on fait des rapports qui ne servent à rien, ce rapport a fait bouger beaucoup de choses et son impact prouve le contraire. Le bilan est donc très positif car au regard de la photo qui avait été faite il y a dix ans, de grands progrès ont été réalisés. Ceci étant, il y a encore beaucoup de choses à développer dans le système français pour aller encore plus loin : la valorisation du doctorat en est une, l'interaction public-privé est encore largement perfectible et le financement de l'innovation peut être encore renforcé. Mais on peut être fiers du chemin accompli en dix ans.

On parle souvent d'un paradoxe de l'innovation : l'Europe est leader en termes de science, mais prend du retard du retard par rapport aux Etats-Unis et à la Chine en termes d'innovations de rupture et de créations de nouveaux marchés. Partagez-vous cette analyse ? Que devrait faire l'Europe pour être plus innovante ?

JLB :  La question est difficile et je ne prétends pas avoir les réponses. Il est certain que le problème n'est pas au niveau des compétences : il suffit de regarder le nombre de docteurs et d'ingénieurs français ou européens dans les pépites américaines. C'est peut-être une question de gestion des compétences. C'est-à-dire qu'aux US on sait mettre très vite beaucoup d'argent sur la table pour réunir les bonnes compétences et aussi bien rémunérer les chercheurs. Ensuite, on a des plateformes qui permettent de se projeter et de diffuser très vite les technologies. En Europe les financements peuvent être un peu dispersés et pas forcément avec le volume qui correspond à une accélération. Par rapport aux enjeux des plateformes nous sommes défaillants, car aujourd'hui elles sont quasiment toutes américaines. Toutefois, l'exemple de Spotify pour la musique montre que ce n'est pas impossible de développer une plateforme compétitive au niveau mondial. C'est pour ça que je ne suis pas défaitiste, surtout dans une période où les changements sont aussi rapides : prenez le cas de la Corée par exemple, qui montre qu'on peut partir de très loin et devenir rapidement leader. Il n'y a que ceux qui croient qui réussissent et l'Europe a toutes les compétences pour le faire. Cela dit, on est dans une phase très critique, où il faut que l'Europe définisse quelles sont les technologies qu'elle doit maîtriser pour garantir son futur. Parmi d'autres, on peut citer par exemple le cas de l'énergie : il s'agit d'enjeux de souveraineté technologique qui vont au-delà de chaque pays. L'enjeu majeur ce sera de penser à l'échelle européenne et d'arrêter d'être dispersés sur les choix stratégiques. Dans ce sens je pense que l'ANRT a un rôle à jouer, au-delà de son activité historique autour d'Horizon Europe, pour construire un dialogue avec ses pairs des différents pays, afin de construire une pensée commune sur les sujets stratégiques pour l'Europe.

Références

1Aujourd'hui Sorbonne Université

2Compagnie Générale d'Electricité qui est devenue Alcatel

3Le Pôle Systematic Paris-Région est le Pôle des Deep Tech au service d'une société responsable et souveraine

4 Association Bernard Grégory

5https://www.economie.gouv.fr/files/rapport_beylat-tambourin.pdf

- EUROPE | Décryptage -

Quelle diplomatie scientifique pour l’Union ?

Pierre Bitard, ANRT

Lors de la dernière réunion informelle du Conseil de l'UE, les ministres européens de la recherche se sont entendus pour établir et mettre en pratique « un cadre européen pour une diplomatie scientifique ». Quelle pourrait-elle être ? 

Le contexte est pressant. Il nous est maintenant familier, répété à longueur de prises de positions politiques et d'articles de presse. Il combine accélération de la compétition mondiale pour les nouvelles technologies, en particulier les « net-zero », et tensions géopolitiques accrues (guerre aux frontières de l'Europe et nouvelle multipolarité). La mise au point d'une diplomatie scientifique apparaît donc aux ministres de la recherche de l'UE comme une urgente nécessité. La présidence espagnole du Conseil de l'UE l'a endossée comme l'un de ses principaux objectifs.

Cette annonce suscite au moins deux questions. Celle de la définition de la diplomatie scientifique, et celle immédiatement consécutive de son contenu possible à l'échelle de l'UE. Nous avons identifié un projet européen d'Horizon 2020 qui s'est déroulé de 2017 à 2022 dont ces questionnements étaient le cœur même. Il s'agit d'InsSciDE – Inventer une diplomatie scientifique partagée pour l'Europe. Ce projet a élaboré définitions, positionnements, et argumentaires au service d'une diplomatie scientifique européenne, en tirant parti du capital d'expérience présent dans les États membres. A la recherche d'un modèle consolidé pour l'Union européenne susceptible de fournir des bases de recommandations.

Opérationnaliser la diplomatie scientifique

La diplomatie scientifique se présente comme un concept nouveau, recouvrant des pratiques anciennes et connues. Elle est traditionnellement abordée par les pratiques qui découlent des liens entre science et diplomatie. Ainsi sont distinguées la science dans la diplomatie, la diplomatie pour la science, et la science pour la diplomatie. Dans le premier cas, la science et l'expertise scientifique sont employées pour soutenir les initiatives de politique étrangère ; dans le second, l'État encourage la coopération scientifique internationale ; dans le troisième, les réseaux scientifiques sont mis en œuvre pour construire des réseaux et des communautés épistémiques internationales qui permettent une diplomatie détournée. Une telle typologie peut s'avérer utile pour présenter les usages de la science en rapport avec la diplomatie mais bien moins pour guider les décideurs politiques et les stratèges.

Björn Fägersten1 en suggère une définition opérationnelle : il s'agit de l'usage de la science à des fins de politique étrangère. Les idées naïves, les idéalisations, à propos de la diplomatie scientifique proviennent d'un manque de connaissance de ses composantes. En particulier, le rôle du pouvoir fait l'objet d'un oubli coupable pour l'une comme pour l'autre. La science n'incarne pas seulement une force de bien a-idéologique. La production de connaissances s'insère dans un environnement idéologique, répond à des préoccupations étatiques. La science et l'innovation sont de plus en plus fréquemment arsenalisées pour sécuriser les intérêts nationaux, instrumentalisés dans la rivalité entre États. Nombre de conflits actuels se manifestent par des transactions économiques, scientifiques, technologiques que l'on peut qualifier de « rivalité géo-économique ».

A des fins de politique étrangère de l'Union

L'enjeu devient alors d'identifier et de clarifier les fins de politique étrangère de l'Union auxquelles la science peut être associée. En effet, si plusieurs secteurs politiques de l'Union ont fait usage du concept de diplomatie scientifique, des efforts importants restent à accomplir pour qu'elle soit en phase avec la politique étrangère. Les fins de la politique étrangère de l'Union ne peuvent que procéder du Traité. D'où découlent les 5 domaines de priorité de la politique étrangère de l'Union suivants : un ordre mondial basé sur des règles de droit qui fonctionne ; relever les défis mondiaux ; un voisinage résilient ; sécurité et bien-être pour les Européens ; autonomie stratégique de l'Union.

Comment la diplomatie scientifique peut-elle contribuer à établir un ordre international favorable aux intérêts et valeurs de l'Union ? En permettant de construire la confiance entre acteurs, elle-même susceptible de réduire les risques de conflits, comme en attestent des exemples historiques.

Si les Objectifs du Développement Durable forment le cadre structurant l'agenda des politiques intérieure et étrangère de l'Union, quel rôle peut jouer la diplomatie scientifique dans leur accomplissement ? L'exemple des travaux GIEC permet d'attester que les plus complexes des problèmes politiques nécessitent l'expertise scientifique pour être gérés. En cette matière, la position de l'Union sur ce domaine est connue2 : « (…) l'UE devrait tirer parti de son rôle de puissance mondiale dans les domaines de la recherche et de l'innovation pour faire en sorte que l'action multilatérale repose sur les meilleures données scientifiques possibles. »

Œuvrer à la résilience de son voisinage fait depuis longtemps partie des ambitions clés de l'Union ; l'importance des actions dans ce domaine s'est accrue jusqu'à l'affirmation que la stabilité et la prospérité des pays voisins de l'UE sont considérées comme « un intérêt vital ». C'est un rôle dévolu à la diplomatie scientifique que de soutenir cet objectif en rendant accessible ses réseaux et ses résultats scientifiques et technologiques aux États et organisations au voisinage de l'UE.

Promotion du mode de vie européen, protection du citoyen européen et intérêts économiques

La sécurité et le bien-être des citoyens européens constituent un enjeu central aussi bien des traités que de la politique étrangère de l'Union. La protection de l'Europe et des Européens n'a cessé de gagner en importance au fil du temps, jusqu'à la Commission von der Leyen qui affiche ‘la promotion du mode de vie européen et la protection des citoyens et de nos valeurs comme programme politique. La diplomatie scientifique peut ici servir à protéger les Européens des tentatives d'ingérence étrangère (par des États tiers) qui chercheraient à utiliser la coopération scientifique comme couverture (travaux législatifs en cours, cf.3).

L'Union semble déjà faire un usage extensif de la diplomatie scientifique pour favoriser l'atteinte de son autonomique stratégique, notamment, récemment en finançant le Fonds Européen de Défense. Huit milliards d'euros sont consacrés à soutenir la R&D de défense, afin d'établir des plus solides capacités autonomes, améliorant ainsi son poids politique à l'échelle internationale. On peut aussi penser à l'initiative de soutien à l'industrie des semi-conducteurs européens, ou au récurrent programme-cadre européen pour la recherche et l'innovation. Ce dernier devenant un outil puissant… à partir du moment où il discrimine avec netteté quels pays peuvent participer aux phases de discussion stratégique.

En conclusion, sont suggérés six grands objectifs stratégiques qui pourraient constituer une matrice du cadre européen pour renforcer la diplomatie scientifique1. Citons-les ici, le lecteur intéressé pourra se reporter au texte pour les développements : renforcer une communauté scientifique européenne libre et dynamique ; convenir de principes sur la coopération scientifique à une époque de divergence de régime et de concurrence ; favoriser les capacités et la culture du conseil scientifique dans l'élaboration de la politique étrangère ; accroître la cohésion des efforts au niveau de l'UE ; accroître la cohésion des efforts de l'UE et des États membres ; tirer parti des acteurs potentiels de la diplomatie scientifique.

Références :

1 Leveraging Science Diplomacy in an Era of Geo-Economic Rivalry: Towards a European strategy, 2022, Björn Fägersten, The Swedish Institute of International Affairs, InSciDE, Mars.
https://www.ui.se/globalassets/ui.se-eng/publications/ui-publications/2022/ui-report-no.-1-2022.pdf et https://cordis.europa.eu/project/id/770523

2 Communication Conjointe au Parlement Européen et au Conseil relative au renforcement de la contribution de l'UE à un multilatéralisme fondé sur des règles, JOIN/2021/3 final, Bruxelles. https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52021JC0003 ; p13 pour l'extrait.

3 Cf. Lettre de l'ANRT mars 2022, à propos de “Tackling R&I foreign interference”, EC Staff working document, Directorate-General for Research and Innovation, European Commission, 2022-01-18.

- EUROPE | Actualités -

Les lump sum : définitions et spécificités

Marie-Pierre Sarrazin, ANRT

Les lump sum sont un nouveau mode de financement des coûts dit en « sommes forfaitaires » par opposition au financement en « coûts réels ». L'objectif poursuivi est de simplifier la gestion financière des projets pour favoriser l'accès au programme Horizon Europe aux entités plus petites et/ou moins expérimentées qui ne disposent pas des infrastructures ou ressources nécessaires pour gérer des financements européens en coûts réels.

Comment est opérée cette simplification et quelles conséquences sur le financement de vos projets ?


Les lump sum, définition

Les lump sum  ou sommes forfaitaires sont une forme de remboursement des coûts sous Horizon Europe. Par celle-ci, le bénéficiaire est remboursé de ses coûts de réalisation sur la base d'un montant forfaitaire global déterminé en amont lors du montage du projet pour chaque Work Package (WP). Le montant ainsi fixé sera repris dans la convention de subvention et versé sur validation de la réalisation des activités telles que décrites dans l'Annexe technique indépendamment des frais réellement engagés pour se faire et indépendamment des résultats attendus.

Comment bénéficier des lump sum ?

Le financement en lump sum est introduit au niveau de tous les instruments dans le Programme de Travail 2023-2024 d'Horizon Europe. C'est toujours la ligne d'appel qui va déterminer la forme de financement. Elle sera alors applicable à tous les projets et tous les déposants à cet appel quel que soit leur statut et leur rôle.
Le recours aux lump sum est indiqué au niveau des informations générales type of MGA = Horizon Lump Sum Grant  et au niveau des conditions générales sous  §6. Legal and financial set-up of the grants.

Quel budget pour un projet en lump sum ?

Deux options existent pour déterminer le montant forfaitaire attribué dans le cadre d'une proposition en lump sum.

Dans la première option, c'est la Commission Européenne (CE) qui fixe le montant forfaitaire qui sera le même pour tous les projets sélectionnés dans cet appel. Dans le dossier de proposition, le bénéficiaire viendra uniquement expliciter les ressources mobilisées pour ce montant pour réaliser les activités visées.
Dans la deuxième option, chaque bénéficiaire fixe son montant forfaitaire à partir de l'estimation de ses coûts de réalisation des activités au sein de chaque Work Package en respect des principes généraux d'éligibilité des coûts sous Horizon Europe. Une annexe financière détaillée par WP et par bénéficiaire sera alors soumise au niveau de la partie technique de la proposition. Elle sera évaluée par les experts dans le cadre du 3ème critère d'évaluation « Mise en œuvre du projet ». Les experts étudieront le caractère raisonnable et non excessif des coûts ainsi que la cohérence entre les ressources allouées et les activités décrites.

Actuellement, exceptés les ERC Proof of Concept qui sont en type 1, tous les appels à projets en lump sum sous le Programme de travail 2023-2024 sont de type 2, y compris, sous réserves des prochaines communications, les ERC Advanced Grant pour 2024.

Quels rapports périodiques dans un financement en lump sum ?

Une fois le montant forfaitaire fixé et validé alors les coûts réels engagés pour réaliser le projet sont sans objet et n'ont pas à être justifiés.

Les rapports périodiques et le rapport final sont constitués :
- d'un rapport technique selon le modèle habituel mais sans la partie liée à la justification des ressources mobilisées
- d'un état de réalisation des Work Packages
- d'un rapport financier largement automatisé sur la base des Work Packages déclarés comme réalisés

Il n'y a pas à joindre de certificat sur les états financiers dans le cadre du rapport final.
Le rapport technique sert de base au Project Officer pour valider la réalisation d'un Work Package c'est-à-dire si toutes les activités sont accomplies conformément à la description prévue à l'Annexe Technique. Ici on ne parle pas de résultats conformes ou de livrables même si ceux-ci sont évidemment pris en compte.
En cas de désaccord entre le consortium et le Project Officer sur l'état de réalisation d'un Work Package, une procédure contradictoire est prévue.
Un Work Package rejeté pourra à nouveau être déclaré comme réalisé lors de la période de rapport suivante.

Quelle subvention dans le cadre d'un projet en lump sum ?

Les paiements dans le cadre d'une proposition en Lump Sum sont également constitués d'un préfinancement, de paiements intermédiaires et d'un paiement final.
Concernant le préfinancement, son montant est fixé dans le cadre de la préparation de la Convention de Subvention.
Les paiements intermédiaires interviennent à chaque période de reporting dans la limite des 90% de la subvention totale du projet. Le montant périodique n'est pas lié pas aux coûts réellement encourus et déclarés par chaque Bénéficiaire au cours de la période de rapport. Il est égal à la somme forfaitaire fixée pour chaque Work Package déclaré et accepté comme réalisé lors du rapport périodique. En conséquence, pour recevoir un versement intermédiaire il faut que tous les partenaires impliqués dans un Work Package aient réalisé les activités telles que décrites dans l'Annexe technique. Cette obligation de réalisation ne doit pas être confondue avec une obligation de résultat.
Le Paiement final est constitué de la retenue de 10% du solde et versé sur le même principe de réalisation des Work Packages à la différence qu'à ce stade certains Work Packages pourront être déclarés comme partiellement réalisés et payés partiellement.
C'est toujours le coordinateur qui reçoit l'intégralité de la subvention et qui a la charge de sa redistribution entre les bénéficiaires en fonction de l'Annexe budgétaire et des éléments négociés au sein de l'accord de consortium.

Quelles modifications en cours de projet ?

Au niveau technique, des déviations pourront être justifiées au moment du rapport périodique. En cas de modification substantielle à l'Annexe technique alors une procédure d'avenant formalisée sera nécessaire.
Au niveau financier, il existe un principe de libre utilisation du budget tel que validé dès lors que le projet est réalisé conformément à ce qui était prévu dans le cadre de l'Annexe technique. Les éventuelles différences sont à assumer par le bénéficiaire.
La fongibilité budgétaire entre Work Packages et entre partenaires au sein d'un même Work Package est de fait possible mais si le consortium souhaite voir cette distribution reprise dans l'annexe financière (ie. base de calcul des versements) alors un avenant formalisé sera nécessaire. Cet avenant ne pourra intervenir que tant que les WPs concernés ne sont pas déclarés comme réalisés.

Quels contrôles ?

C'est toujours le bénéficiaire dans le cadre de l'exécution du projet et non le projet qui est contrôlé.
Pas de contrôle ou audit sur les aspects financiers du projet. Les mêmes contrôles sur le suivi de la mise en œuvre technique du projet et le respect des obligations non financières de la Convention de Subvention (promotion, dissémination & exploitation des résultats, éthique et intégrité, obligation de science ouverte …).
En conséquence, aucun justificatif des coûts réels engagés à fournir. Tous les éléments de preuve de la réalisation des activités telles que décrites à l'annexe 1 (rapport technique, cahiers de laboratoire, livrables, prototypes, publications, présentations …) peuvent être demandés.
En cas de rejet d'un Work Package en cours de projet lors d'un contrôle, alors celui-ci pourra être présenté à nouveau dans le cadre d'une période successive et donc validé à nouveau. En cas de rejet d'un Work Package après la fin du projet, totalement ou partiellement, la part forfaitaire correspondant à ce Work Package est récupérée auprès des bénéficiaires concernés. Le recouvrement est calculé en fonction de la répartition du montant forfaitaire (annexe 2 de la convention de subvention) et proportionnellement au degré de rejet et de la part forfaitaire des bénéficiaires concernés.  


Comment se préparer efficacement ?

La première précaution à prendre est de communiquer avec vos partenaires sur les spécificités des lump sum et les impacts au niveau du consortium si vous répondez à un appel avec ce type de financement. Il n'est pas souhaitable de calquer un projet financé en coûts réels sur un dépôt financé en lump sum.  
Il est important de bien réfléchir à l'implication précise de chaque partenaire en fonction des activités.
Le plan de travail n'a pas obligatoirement à être modifié mais il peut se voir en pratique ajusté pour tenir compte des périodes de rapport et de la division des Work Packages couvrant toute la durée du projet.
Il faut toujours se référer au modèle d'annexe financière disponible au niveau de la ligne d'appel et anticiper l'étape de montage budgétaire. Chaque partenaire doit se rapporter à ses coûts réels selon ses pratiques internes et justifier les coûts indiqués afin d'éclairer l'analyse des évaluateurs.
Une attention particulière doit être portée sur la description des indicateurs de réalisation des activités pour en faciliter la justification par la suite.
Le rôle du coordinateur dans le suivi de l'exécution du projet va être accru et il est important de bien définir le rôle des Work Packages leaders.
Enfin, les relations au sein du consortium doivent se voir adaptées et il convient de retranscrire cela au niveau de l'accord de consortium pour sécuriser le financement et les rapports entre les partenaires. Sont concernées notamment les dispositions suivantes : la responsabilité conjointe, la gouvernance et le suivi du projet, les clauses financières et la redistribution des paiements.

Pour aller plus loin : formation sur la gestion en LUMP SUM sous Horizon Europe dispensée par l'ANRT


- Focus -

A quoi ressemblera l’école du futur ?

Alice Delserieys Pedregosa, directrice adjointe « recherche et coopérations internationales », enseignant-chercheur didactique des sciences, INSPE Aix-Marseille Université ; Eric Tortochot, maître de conférences, Laboratoire ADEF, INSPE Aix-Marseille Université ; Violette Nemessany, directrice de projet, ANRT.

Les étudiants de l'INSPE Aix-Marseille Université, en formation pour devenir enseignants, ont imaginé une école du futur, universelle et pluriculturelle, alliant numérique, collaborations et émotions. Tour d'horizon des quatre scénarios proposés.

À quoi l'école pourrait ressembler dans un avenir plus ou moins lointain, à l'ère du numérique ? Pour le savoir, dans le cadre de leur formation initiale pour devenir enseignants, les étudiants du master MEEF d'Aix-Marseille Université (AMU) ont réalisé des entretiens en micros-trottoirs avec des responsables de structures socio-économiques ainsi que des chercheurs, spécialement venus à Marseille afin de participer au speed dating du Créativ'Lab Ampiric. Organisé conjointement par l'ANRT et le pôle pilote AMPIRIC, cet événement a réuni le 4 avril 2023, sur le campus de l'Étoile d'Aix-Marseille Université, les professionnels issus du monde de l'éducation et de la recherche dans le but d'initier le dialogue avec des partenaires socio-économiques pour coconcevoir des dispositifs pédagogiques innovants.

Sur la base de ces interviews, les étudiants ont donné libre cours à leur imagination. Ils ont ainsi élaboré quatre scénarios, à partir des dispositifs pédagogiques innovants présentés pendant le speed-dating. Leurs réalisations prennent la forme de narrations écrites et graphiques idéalisées, réalistes ou romancées. Ces scénarios explorent des thématiques variées, qui interrogent tantôt le rôle et le développement du numérique dans l'éducation, tantôt l'importance des collaborations et des émotions dans les apprentissages. Les enjeux de l'interculturalité et du plurilinguisme sont également abordés. Au-delà, leurs travaux tentent de mieux définir la place de l'enseignant confronté aux bouleversements actuels et à venir de leur métier.

Le numérique repousse les limites du possible

Parmi tous les scénarios élaborés par les étudiants, celui de Sébastien Giordano et Louis Alibert se distingue par son caractère novateur et inspirant. Dans leur proposition, ils décrivent une école virtuelle, où l'apprentissage se déroule dans un environnement numérique immersif au sein même de la classe. Leur accroche reflète cette vision audacieuse : « Une nouvelle ère s'ouvre à nous et à nos enfants. Fonçons tous ensemble dans un monde où la seule limite de l'être humain et de son éducation est son imagination ! »


Dans cet univers virtuel, les possibilités semblent infinies. Il offre ainsi une expérience éducative inédite, grâce notamment aux maquettes pédagogiques en 3D développées par l'entreprise Foxar, dont les effets sont évalués dans le cadre du CréativLab Ampiric en partenariat avec les chercheurs du laboratoire ADEF d'Aix-Marseille Université et des enseignants de l'Académie. Ainsi, les élèves peuvent projeter au milieu de la salle de classe le système solaire, des molécules, une équation ou encore le sphinx de Gizeh… Tout en étant accompagnés par leur enseignant, cette expérience collective leur permet non seulement d'explorer des mondes inaccessibles et du même coup, de mieux comprendre des concepts abstraits. Mais aussi, elle suscite des sensations et des émotions fortes. Comme en témoigne cet extrait du scénario coécrit par Sébastien Giordano et Louis Alibert :

" Je suis un élève de l'Académie d'Aix-Marseille. Je me connecte au groupe de la classe où je retrouve Lucas et Ewan ainsi que tous les autres élèves. Madame Valas nous dit que nous allons commencer par visiter l'univers et observer les planètes. Nous nous regardons tous sans réellement comprendre ce qu'elle entend par là.
Tout d'un coup, plus rien, plus de bruit, un silence tellement pesant qu'on se croirait dans l'espace. Mais cela n'est pas qu'une impression. Face à moi, se dresse une immensité à la fois noire et lumineuse. Je ressens en la voyant, d'une manière contradictoire, une sensation de vide ainsi qu'une sensation de plénitude. Je suis au beau milieu de l'univers, entouré d'étoiles et de planètes.
Nous passons par la suite une heure à observer les différentes planètes et à les décrire. Nous pouvons nous déplacer dans cette immensité et visiter une planète et ses alentours. Une fois que nous avons fini, Madame Valas, d'une voix enjouée, nous dit « que diriez-vous de faire un peu de kayak en forêt ? ».
Tout d'un coup, comme par magie et sans comprendre ce qu'il m'arrive, je me retrouve sur une rivière en train de faire du kayak en plein milieu d'une forêt. C'est extraordinaire, cela dépasse même mes rêves les plus fous. "

L'intelligence artificielle (IA) bouleverse les méthodes apprentissages

Dans son scénario, Espenelle Berlin suggère, avec malice, comment dans le futur une IA deviendrait un compagnon indispensable pour optimiser l'assimilation des connaissances et développer des compétences transverses. baptisée « schola », cette technologie révolutionnaire a pour mission d'étancher la soif de savoir des enfants en les immergeant dans des environnements d'apprentissage virtuels, interactifs, comme le montrent ces quelques lignes issues de la production narrative d'Espenelle Berlin :

" En début de séance, l'IA de l'école, appelée Schola, vérifie que tous les élèves sont présents. Puis, elle allume les cahiers numériques et pose la question : 
- Les feuilles des arbres tombent au sol, pourquoi, au fil des années, il n'y a pas plus d'épaisseur de feuilles au sol ? Je vous laisse réfléchir ! Merci à Max de s'être posé cette question en jouant dans le parc et de l'avoir mis dans la boîte. (...)“
L'enseignant circule entre les tables et demande aux élèves :
- Alors, qu'en pensez-vous ?
Les hypothèses fusent sur les cahiers numériques après quelques instants de réflexion et de discussion entre les enfants. Schola les récapitule sur le mur interactif et les inscrit dans les cahiers des élèves.” (...). Après discussion, tous les enfants sont d'accord : il y a des animaux et des champignons qui mangent les feuilles mortes. Mais ils sont extrêmement petits.
L'enseignante dit alors :
- Schola, montre-nous !
La salle s'assombrit et Schola créé un milieu virtuel. Animaux et champignons apparaissent, minuscules comme des fourmis, se promenant à côté d'hologrammes de collemboles ou d'acariens tout en enjambant nervures et filaments mycéliens."

Équipée d'un système de reconnaissance faciale, Schola est capable d'identifier les élèves et de personnaliser l'expérience d'apprentissage en fonction des besoins individuels et des capacités de chacun. De plus, l'IA donne des consignes, facilite l'accès aux outils d'écriture, corrige les synthèses des élèves et participe à la gestion de la classe. Grâce à des algorithmes sophistiqués, elle analyse les performances des enfants, aidant ainsi les enseignants à identifier leurs points forts et leurs faiblesses. Ces derniers peuvent alors proposer des activités adaptées pour favoriser la progression de tous les élèves. De ce point de vue, l'utilisation de cette nouvelle technologie fait évoluer leur métier. Elle exige de leur part qu'ils assurent un rôle, à la fois, de pédagogue, d'organisateur, de guide et de médiateur entre les élèves et l'IA.

Enfin, Espenelle Berlin conçoit des écoles du futur à taille humaine, accessibles à tous et universelles, dépassant les frontières géographiques. Ces établissements exploreront l'interculturalité et le plurilinguisme « dès la maternelle. Les élèves s'exprimeront indifféremment dans plusieurs langues, telles que le français, l'anglais, l'espagnol ou l'italien ».

Des projets collaboratifs pour construire « une école universelle autosuffisante »

Inspiré par les projets de recherche partenariale soutenus par le CréativLab Ampiric, Mathieu Allemand conçoit un scénario futuriste dans lequel tous les enfants de la Terre sont reliés grâce à des outils numériques extrêmement puissants, au sein d'un système entièrement consacré à l'enseignement et la formation. Dans cet environnement pédagogique novateur, les élèves bénéficient d'une totale liberté pour choisir leur orientation et s'impliquer activement dans des projets collaboratifs. En d'autres mots, selon Mathieu Allemand, l'école de demain encouragera les apprentissages réflexifs et mutuels. Les compétences et savoir-faire se développeront progressivement à travers la collaboration et les actions partagées entre élèves et enseignants. Il s'agira pour les collégiens, lycéens et étudiants de former une « chaîne de coopération » à l'échelle mondiale pour organiser leur projet avec les autres, tout en acceptant les différences et en consentant que chacun puisse avoir sa propre vision des choses. Ce scénario met l'accent sur l'importance de développer la pensée critique des jeunes, faisant d'eux des citoyens épanouis, engagés et connectés dans un monde en perpétuelle évolution.

Les émotions, au cœur de l'expérience de l'élève

Le scénario de Marie Martinez et Hugo Peythieu dépeint une école qui, bien que proche de notre époque contemporaine, se révèle très différente. Cette école met de côté les pratiques d'enseignement traditionnelles au profit des activités centrées sur le plaisir, la curiosité, l'imagination et les émotions des élèves. Pour atteindre cet objectif, les enseignants utiliseront dans leur pratique des dispositifs pédagogiques innovants, tels que Hibou, un livre de science participative. Ce dernier est en cours de développement au sein du CréativLab Ampiric, en collaboration avec la société ISI et les chercheurs du Laboratoire de psychologie cognitive d'Aix-Marseille Université. Hibou est conçu pour s'adapter aux différents niveaux de lecture des enfants, y compris ceux souffrant de dyslexie. Il propose aussi des jeux sérieux autour des « mots rigolos » et des « phrases pièges ». La dimension ludique agit sur la sensibilité des élèves, en leur procurant une satisfaction affective et cognitive. De plus, elle permet de construire, de par son caractère récréatif, des moments de sociabilité, centrés sur des valeurs de partage entre les enfants et leurs enseignants. C'est pourquoi le jeu, l'échange et le dialogue occuperont une place centrale dans l'école de demain pensée par Marie Martinez et Hugo Peythieu. Son ambition sera d'une part, de susciter l'engagement de tous les élèves dans le processus d'apprentissage et d'autre part, de veiller à ce que personne soit exclu du chemin de l'école.

À noter : Pour réaliser ces productions narratives, certains étudiants ont eux-mêmes eu recours à des outils numériques, dont notamment la production d'images engendrées par IA pour illustrer leurs scénarios. Sébastien Giordano, Louis Alibert, Mathieu Allemand, Hugo Peythieu et Marie Martinez se sont appuyés sur les illustrations créées par l'application Canva. Quant à Espenelle Berlin, elle a conçu ses images à l'aide d'une tablette numérique.

EN SAVOIR PLUS : Pour visionner les interviews, cliquez ici (vidéo de 10 minutes)

- Point de vue -

L’« autonomie stratégique ouverte » de l’UE à l’épreuve de la transformation climatique

Pierre Bitard, ANRT

Le « rapport stratégique de prospective 2023 »1 analyse les interactions dynamiques entre les différents défis socio-économiques de la soutenabilité. Comment l'Europe peut-elle devenir socialement et économiquement durable ?

L'Union Européenne vit un rare moment historique où les circonstances imposent des choix certains. Aussi, face aux enjeux du changement climatique, a-t-elle mis en œuvre des actions pour assurer sa transformation vers la durabilité et la neutralité carbone. La guerre russe menée contre l'Ukraine depuis plus d'un an et demi renforce la pression sur ces mêmes enjeux et renouvelle le défi d'une défense commune dans un monde à la multipolarité périlleuse. Nous sommes entrés dans une période de multi-crises, il s'agit d'apprendre à en anticiper les conséquences.

Le chemin semble tout tracé. Si ce n'est que ces transformations, d'une ampleur et d'une vitesse inédites, nécessitent des changements socio-économiques majeurs. La quête de durabilité pose d'incroyables défis, à la mesure des liens entre l'environnement, l'économique et le social. Pour être efficace, la stratégie ne doit pas moins s'avérer juste socialement.

Nous nous focalisons ici sur deux dimensions fondamentales des transformations. Le changement climatique affecte inégalement les populations et les territoires, avec des impacts plus grands sur les plus pauvres et les plus vulnérables. À horizon 2050, entre 40% et 70% des réductions d'émissions proviendront des « mesures d'atténuation du côté de la demande » ; en clair : des changements de comportement en matière d'alimentation, de transport, de logement ou d'énergie. La compréhension que l'on aura de ces deux phénomènes affectera directement la viabilité, la faisabilité et l'acceptabilité des transformations poursuivies sous contrainte forte de financement.

Les changements de comportements sont clés, les impacts inéquitables

Sur le papier, l'Union européenne dispose de tous les atouts pour devenir le champion mondial dans la course à l'économie net-zero. Des efforts organisationnels et financiers sont consacrés au développement de technologies vertes : hydrogène, matériaux avancés, recyclage des eaux usées, capture et usages du CO2, etc.

Compte tenu de la course de vitesse engagée pour la suprématie sur l'ensemble de ces technologies, c'est à des investissements plus conséquents encore que l'UE et les États membres doivent consentir pour la R&D et l'industrialisation de ces dernières. L'autonomie stratégique tant recherchée est à ce prix. Un prix élevé puisqu'ensemble le Pacte Vert et le plan RepowerEU2 nécessitent des investissement supplémentaires annuels à hauteur de 620 milliards d'euros. Auxquels s'ajoutent 125 milliards annuels pour la transformation numérique, et suite au bouleversement du contexte géopolitique, un accroissement sensible des dépenses militaires des États membres3 jusqu'à 75 milliards d'euros supplémentaires pour l'édification des capacités de défense, ainsi que plus de 380 milliards au cours des 10 prochaines années pour la reconstruction de l'Ukraine.  La pression financière s'avère donc énorme, en particulier pour les finances publiques. Et ce, sans prise en compte de l'accompagnement différencié des populations nécessaire au maintien d'une certaine justice sociale.

Les conséquences économiques et sociales de la quête de soutenabilité font peser une pression croissante sur le corps social, et nourrit un débat incontournable. Il invite à caractériser et mettre en œuvre un nouveau modèle économique dont les paramètres clés concerneraient le bien-être des populations en relation avec la nature. Un accent porté sur la qualité plus que sur la quantité produite. D'autant que le volume de production dépend des ressources environnementales qui n'existent qu'en quantité finie. Près des trois-quarts des 4 millions d'entreprises de la zone euro dépendent fortement d'au moins un service de la nature : pollinisation, eau, bois, qualité du sol, etc. Par conséquent, la qualité de l'environnement constitue un prérequis à la soutenabilité désirée.

L'interdépendance entre l'environnement et l'économique ne cesse de s'accroître. L'adaptation du modèle économique aux enjeux de l'économie net-zero nécessite un ajustement profond en matière de justice inter-intergénérationnelle. Et il ne s'agit pas ici uniquement de permettre aux générations futures de bénéficier au moins des mêmes aménités offertes par la nature que la génération actuelle. S'y trouve aussi le problème de la juste répartition des gains économiques permis par l'emploi des ressources naturelles. Un travail conceptuel supplémentaire mérite d'être effectué qui garantisse de mesurer le progrès et la prospérité au-delà du PIB4.

Contenir la spirale inégalitaire de la transformation écologique

Les familles aux revenus les plus modestes sont les plus exposées aux augmentations du prix de l'alimentation ou de l'énergie du fait de la transformation écologique. Le changement climatique accroît la dynamique inflationniste, ce qui intensifie les inégalités. La propension à consommer des plus pauvres pour ces biens indispensables est aussi plus grande, ce qui les rend d'autant plus vulnérables. Les logements des plus pauvres sont aussi localisés dans les zones les plus polluées, accroissant encore leur vulnérabilité. Les disparités de revenu et de richesse sont fortement corrélées aux inégalités écologiques et aux impacts sur le changement climatique. La transformation écologique se manifestera donc de façon particulièrement inégalitaire.

Ainsi, les 10% d'Européens les plus riches polluent plus de 3 fois plus que le reste de la population. Mais d'autres facteurs tels l'âge, le type de logement ou la taille de l'agglomération comptent. Et ce, dans un contexte où la perception des inégalités sociales atteint déjà des niveaux élevés dans l'UE ; 81% des Européens estiment que les inégalités de revenus sont trop importants. De fait, la concentration de richesses est plus grande encore que celle des revenus et a tendance à s'accroître.  Autant de facteurs qui compliquent singulièrement le design des politiques redistributives à associer à la transformation écologique dans un contexte de remise en cause du contrat social.

Inciter aux changements de comportements de manière différenciée

Bien qu'incomplet5, le tableau qui résulte d'une telle description des tensions économiques et sociales engendrées par la transformation écologique contient en puissance les pistes d'actions à mettre en œuvre à l'horizon 2050. Les soutiens politiques aux changements en matière de production et de consommation et l'évolution du contrat social européen forment deux piliers des adaptations en faveur de la soutenabilité.

Les mesures suggérées en faveur d'une meilleure équité quant à la transformation écologique concernent d'une part les particuliers, de l'autre, les entreprises. Les politiques publiques destinées à inciter à des changements de comportement des consommateurs sont privilégiées. Mettre en place et garantir les bons signaux prix demeure la voie principale ; il s'agit de la tarification du carbone, des taxes vertes, de la réforme des subventions préjudiciables à l'environnement et du renforcement des incitations positives pour l'environnement. Ces actions fortes sont à mener avec comme préoccupation  d'assurer l'accessibilité (économique en particulier) et la disponibilité des produits et services durables. Autre mesure, l'éducation et la sensibilisation aux choix et modes de vie durables et sains devraient être renforcées dans tous les groupes d'âge, dans tous les États membres.

De plus nombreuses actions sont identifiées côté entreprises, qui impliquent des réformes et des investissements dans l'ensemble des États membres pour décarboner et dépolluer l'économie, en particulier les processus industriels et les secteurs à forte intensité énergétique. Inciter les entreprises à faire évoluer leurs stratégies et modèles économiques passerait aussi par des initiatives politiques et règlementaires qui, par exemple, briderait l'obsolescence programmée ou encouragerait la réparation dans le contexte de l'après-vente et la conception en faveur de la circularité.

Le nouveau contrat social qui devrait être promu avec vigueur par les États membres et l'UE ferait la part belle à la perspective de vivre dans un environnement sain, à la lutte contre les causes profondes des problèmes de santé mentale, telles que l'exclusion sociale, la discrimination et l'impact du changement climatique. Contrat au sein duquel les notions de transformation juste et inclusive, de cohésion régionale et d'équité intergénérationnelle pour ne citer qu'elles prendraient toute leur place.

Références
1Strategic Foresight Report - Sustainability and people's wellbeing at the heart of Europe's Open Strategic Autonomy, 2023, Communication from the Commission to the European Parliament and the Council, 2023, 6 Juillet. https://commission.europa.eu/document/download/f8f67d33-194c-4c89-a4a6-795980a1dabd_en?filename=SFR-23_en.pdf

2RepowerEU, cf. https://commission.europa.eu/strategy-and-policy/priorities-2019-2024/european-green-deal/repowereu-affordable-secure-and-sustainable-energy-europe_fr
NB : Face aux difficultés et aux perturbations du marché mondial de l'énergie provoquées par l'invasion de l'Ukraine par la Russie, la Commission européenne met en œuvre le plan REPowerEU. Lancé en mai 2002, REPowerEU aide l'UE à économiser de l'énergie, produire de l'énergie propre, diversifier ses approvisionnements énergétiques. Il représente, à lui seul, un investissement d'environ 300 milliards d'euros.

3Les dépenses militaires des États membres se sont élevées à 214 milliards d'euros pour la seule année 2021.

4Des travaux économiques sont en cours qui visent à développer des métriques qui vont au-delà du PIB. Une des options étudiées au Centre de recherche commun de la CE consiste à attribuer des valeurs monétaires à différents aspects du bien-être : qualité de vie (santé, éducation), travaux domestiques, inégalités, coûts des dommages environnementaux et d'utiliser ces valeurs pour ajuster le PIB. Les PIB ajustés peuvent alors être comparés selon différents pays et faire apparaître des hiérarchies éventuellement modifiées. Cf. pour l'impact de la santé : “Health-adjusted income: complementing GDP to reflect the valuation of life expectancy”, JRC Technical Report, JRC134152 https://publications.jrc.ec.europa.eu/repository/handle/JRC134152

5 Au regard de l'analyse complète qu'expose le rapport de prospective stratégique, cf.  (1)

- L'invité -

Condamnés a l’innovation : la thèse ou la mort

Quentin Barthélemy, chercheur dans l’équipe R&D de Foxstream, groupe VitaProtech

Créée en 2004, Foxstream est une entreprise offrant une solution logicielle de vidéo protection, permettant de détecter des intrusions sur des sites extérieurs par une analyse vidéo en temps-réel. Composée d'une vingtaine d'employés, Foxstream a toujours eu une équipe recherche et développement, composée d'ingénieurs, de chercheurs et de doctorants. Cette équipe a pour vocation d'améliorer l'analyse des images vidéo, d'en extraire les informations pertinentes, et de déclencher une alarme lorsqu'une intrusion est détectée. Sur presque 20 ans, huit thèses Cifre ont été lancées par Foxstream. Son équipe R&D a parfois représenté jusqu'à un quart de l'entreprise.

Pourquoi une aussi petite entreprise a-t-elle lancé autant de thèses ?

En détection d'intrusions, l'omission est bannie et les fausses alarmes doivent être toujours plus réduites. Pour analyser en temps-réel le flux spatio-temporel de la vidéo, il existe de multiples problématiques n'ayant pas encore de solutions satisfaisantes : compréhension du contexte dynamique de la scène, apprentissage de représentations spatio-temporelles, stabilisation et explicabilité des réseaux de neurones, etc. L'écart entre les données des bases publiques utilisées dans les publications académiques et celles des clients engendre une perte de performances des algorithmes d'apprentissage statistique. La réduction des coûts pousse les solutions à devenir hybrides, n'utilisant l'IA que quand elle est strictement nécessaire. De plus, dans le domaine de la vidéo protection, les clients sont peu enclins à partager leurs données, pour des raisons de sécurité et de respect de la vie privée. Comment résoudre tous ces problèmes, a fortiori avec peu de données ? Ici, l'innovation n'est pas un choix, mais un besoin.

De fortes compétences sont nécessaires pour innover avec des moyens limités, améliorer sans cesse la solution et intégrer les dernières avancées du domaine. Historiquement, Foxstream a été co-fondée par deux ingénieurs. Si l'ingénierie a toujours été l'ADN de Foxstream, la recherche s'est très vite imposée comme incontournable. Foxstream a eu la volonté de développer ses solutions grâce à une démarche scientifique rigoureuse. Le directeur technique de Foxstream a passé son doctorat, formation à la recherche par excellence, permettant de correctement poser les problèmes que Foxstream souhaitait résoudre, de contribuer auprès de la communauté scientifique et de gagner en légitimité. Depuis, l'équipe recherche et innovation de Foxstream a toujours été composée de docteurs et de doctorants.

Mais, dans une entreprise où le temps entre deux réunions sert à éponger le flot incessant des messages collectés par la multitude d'outils de communication, comment trouver le temps pour des innovations de rupture ? Eparpillés entre les demandes clients à résoudre et les projets à suivre, comment ne pas tomber dans une recherche incrémentale ?

Comme le dit le proverbe, « ce n'est pas en améliorant la bougie qu'on a inventé l'électricité ». Les innovations de rupture réclament des remises en question audacieuses et des changements majeurs. Il faut avoir la capacité d'explorer des idées radicalement nouvelles, pouvant apparaître contre-intuitives voire absurdes. Comme le fait remarquer le philosophe des sciences Gaston Bachelard, les anciennes manières de s'éclairer consistaient à brûler de la matière, reposant ainsi sur un phénomène de combustion. Avec l'ampoule, le génie d'Edison a été d'empêcher le filament de brûler : c'est donc l'inverse, la lumière est désormais produite par un phénomène de non-combustion.

Pour innover, il faut avoir la capacité à explorer des idées radicalement nouvelles, pouvant apparaître contre-intuitives voire absurdes.

Nous pensons souvent que des méthodes ou des propositions scientifiques perdurent parce qu'elles sont vraies. L'exemple que prend Bachelard permet de voir qu'il s'agit plutôt d'habitudes de penser. Ces habitudes sont autant des freins pour la recherche scientifique qu'elles ont été, à un moment donné, des accélérateurs. Le propre de l'esprit scientifique n'est donc pas de conforter les habitudes, mais de penser contre elles, pour débusquer ce qui en elles, peut éventuellement scléroser de nouvelles réponses à des problèmes qui se posent de manière inédite.


La véritable apostrophe du chercheur n'est pas « euréka », mais « tiens, c'est bizarre ». C'est en confrontant notre compréhension théorique à la réalité expérimentale que nous pouvons constater leur non-adéquation, et ouvrir ainsi la possibilité de remise en cause et d'amélioration. Face au réel, il faut savoir être attentif à tout ce qui dévie de nos conceptions.

Le fondateur de l'exposition « Museum of Failure », une collection des innovations les plus ratées, met en garde les visiteurs : au lieu de se moquer des entreprises exposées, il faudrait mieux s'inquiéter pour celles qui ne le sont pas. L'innovation est un risque et il faut accepter l'échec pour pouvoir progresser. Et de fait, la plupart des entreprises exposées sont mondialement connues et sont des acteurs majeurs dans leurs domaines.

En résumé, pour innover, il faut savoir identifier ce que l'on croyait vrai et qui ne l'est pas, savoir prendre le temps d'explorer et de se tromper, mais surtout, il faut accepter d'être encombré par son problème. Bref, il faut du temps.

Les thèses Cifre sont le lieu idéal pour cela, où le luxe du temps long permet de conjuguer l'excellence académique du directeur de thèse, l'expertise industrielle de l'encadrant d'entreprise et l'énergie créative du doctorant. Si elle est protégée du court-termisme que le « publish or perish » impose, une thèse permet de trouver et valider des idées réellement innovantes. Dans un monde toujours plus concurrentiel où nous sommes condamnés à l'innovation, investir dans une thèse est un besoin vital.

- Agenda -

Lundi 25 septembre 2023 - 14:00 - 17:00
Club PME - spécial scale up & pitch investisseur
ANRT et visioconférence

Jeudi12 octobre 2023 - 08:30 - 10:00
Petit-déjeuner | Géraud de Marcillac, MESR
ANRT et visioconférence

Mercredi 18 octobre 2023 - 16:00 - 19:00
ReSCI | Construire les savoirs et pratiques collectives dans un contexte d'incertitude climatique radicale
En visioconférence

Jeudi 16 novembre 2023 - 08:30 - 10:00
Petit-déjeuner | Philippe Caniaux Délégué général - AFCRT
ANRT et visioconférence

Vendredi 17 novembre 2023 - 09:00 - 17:00
Colloque | Pour un plan national en faveur du doctorat
Campus Cyber - La Défense

Mardi 21 novembre 2023 - 18:30 - 19:00
Cocktail de l'innovation | Révolution quantique, horizons et realités derrière le buzz
Amphithéâtre du CNRS, 3 rue Michel-Ange, 75016 Paris

Mercredi 29 novembre 2023 - 16:00 - 19:00
ReSCI | Le travail du futur
En visioconférence

Jeudi 14 décembre 2023 - 08:30 - 10:00
Petit-déjeuner | Anne Colonna & Reine-Raïssa Note, L'Oréal
ANRT et visioconférence

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